La vie est un défi.
Pour ceux qui luttent pour leur survie (sécurité, nourriture, abri, etc.), cette affirmation est évidente. Pourtant, même pour ceux d’entre nous dont les besoins de base sont satisfaits, un vaste ensemble de défis nous attend encore pour une vie pleine de sens.
Il n’est pas simple de découvrir et de développer une vie avec un but, des liens profonds et une expression authentique de soi. Le fait de se consacrer à un “chemin de vie” qui va au-delà du plaisir personnel crée un regard à travers lequel on peut traverser les hauts et les bas. Avoir une façon de voir la vie qui lui donne un sens est un choix d’une grande puissance.
Votre droit à une vraiment belle histoire
Les êtres humains vivent dans des histoires, certaines créées par eux-mêmes, d’autres héritées. Nos histoires ne sont ni vraies ni fausses, elles sont des “regards” utiles ou inutiles par lesquels nous voyons notre vie. Le sens de la vie est intimement lié aux histoires que nous vivons.
Un ami m’a récemment rappelé une vieille et merveilleuse histoire qui en témoigne :
Trois tailleurs de pierre construisent la cathédrale sacrée de Chartres.
Quelqu’un arrive et demande au premier tailleur de pierre : “Que faites-vous ?”. Le premier tailleur de pierres répond : “Je pose des pierres, une à une. Chaque jour, je fais de mon mieux pour apporter la bonne quantité de mortier, pour que chaque pierre soit bien posée. Toute la journée, pierre après pierre, jusqu’à ce que je rentre chez moi et que je dorme. C’est un bon travail que j’aime, mais parfois j’aimerais faire autre chose”.
On demande au deuxième tailleur de pierre : “Que fais-tu ?”. Il répond : “Je gagne ma vie. En faisant ce travail, je peux subvenir aux besoins de ma famille. J’aime souvent mon travail et j’apprécie de pouvoir subvenir aux besoins de ma famille, mais parfois j’aimerais pouvoir faire autre chose.
À la question “Que fais-tu?”, le troisième tailleur de pierre répond : “Je construis une belle cathédrale. J’aide les gens à entrer en contact avec Dieu. Le travail est difficile mais très gratifiant, surtout lorsque j’imagine les gens dans de nombreuses années en train d’apprécier mon travail. Cela me touche profondément”.
La voie, quelle voie?
Plus que jamais, les jeunes de 20 et 30 ans n’ont que peu d’indications pour trouver leur voie et/ou une histoire pleine de sens. Ils ont moins d’institutions admirables dans lesquelles entrer et moins de compétences relationnelles pour naviguer dans les questions vraiment importantes. Dans le passé, les jeunes adultes entraient dans la foi, la profession, la communauté et l’identité de leurs parents. L’individualisme est devenu une idéologie dominante et nous encourageons les gens à trouver leur propre rêve, à découvrir leur vocation et leur chemin de vie, mais nous leur donnons peu d’indications sur le “comment”.
Les sexagénaires, septuagénaires, octogénaires et nonagénaires, souvent retraités de leur profession, sont aujourd’hui confrontés à un vide de sens que leur emploi et leur position sociale leur permettaient de combler en partie. Le bénévolat peut aider, mais, comme je l’ai entendu dire, il peut souvent donner l’impression de ne faire que passer le temps.
Même ceux qui se trouvent au milieu, dans la quarantaine et la cinquantaine, et qui ont la chance d’avoir une carrière sûre et des relations étroites, ressentent souvent une sorte de vide embarrassant en réalisant que la sécurité économique et les attaches familiales ne suffisent peut-être pas à répondre à leur profond besoin d’épanouissement.
Nous vivons dans des sociétés qui ont glorifié l’individu. Cette glorification a de nombreux attributs très positifs, surtout si on la compare aux structures liées aux rôles des générations précédentes. Mais à quel prix ?
Beaucoup d’entre nous ont découvert que le sens et la connaissance de soi passent par des relations fortes et une connexion à quelque chose de plus grand. Ce “quelque chose de plus grand”, quelle que soit la définition que l’on en donne, est la source d’une histoire qui a du sens.
Il peut être délicat de trouver un équilibre entre le besoin de liberté intérieure, de valorisation de sa spécificité et servir une vocation supérieure. En d’autres termes, comment pouvons-nous apporter notre saveur unique, nos dons inimitables, au service du grand repas de la vie universelle ?
Quelles sont les compétences les plus essentielles pour découvrir une vie pleine de sens ?
En voici quelques-unes :
– Élargir le contexte mène au chemin de vie
Un noble parcours de vie commence par une vision plus large que le plaisir, la jouissance ou la simple survie. Bien que ces éléments soient importants, ils ne sont pas suffisants. Le but est plus grand que le moi, plus grand que le succès, plus grand que le fait “d’y ariver” – il est défini par l’interaction avec le monde et la contribution à celui-ci d’une manière vitalisante. Pour certains d’entre nous, cet objectif peut être atteint grâce à la profession et à la vie de famille. Pour beaucoup d’entre nous, une vision encore plus large est nécessaire.
– La présence incarnée mène à la prise de conscience
Sans présence, nous passons littéralement à côté de l’expérience du contact direct avec la vie. Beaucoup de nos “meilleurs” moments ne vivent que dans la mémoire et non dans l’expérience réelle. Si la mémoire est une capacité merveilleuse et vitalisante, il est regrettable que nous passions à côté de tant de moments en temps réel.
La présence est nécessaire à l’expérience du “je suis ici”. Nous mettons l’accent sur l’incarnation afin d’offrir un moyen tangible de s’immerger dans ce moment. Tous nos désirs – aimer et être aimé, créer, se sentir authentique, se connecter véritablement avec les autres – toutes nos valeurs véritablement humaines, requièrent une capacité de présence.
Nous pouvons être présents sans être vraiment conscients. La conscience exige la capacité d’être à la fois DANS notre expérience et AVEC notre expérience. Ce méta-niveau “avec”, souvent appelé “être témoin”, signifie que nous pouvons nous voir dans un espace plus large, et pas seulement à l’intérieur des pensées et des sentiments du moment présent. Le fait d’être simultanément présent en nous-mêmes ET avec la lumière de la conscience permet une manière d’être beaucoup plus satisfaisante.
– La connectivité mène à l’écoute généreuse
Nous vivons en relation. Se connecter au monde, à la nature, à l’environnement, à d’autres personnes, c’est donner du sens à sa vie. Lorsque nous sommes perdus dans nos propres petites histoires et que nous ne sommes pas capables de nous connecter profondément à ce qui est plus grand que nous, nous avons tendance à amplifier nos drames personnels. S’accorder avec soi-même sans s’accorder avec le monde extérieur crée à la fois la solitude et l’illusion.
Écouter généreusement les besoins/perceptions des autres ainsi que les nôtres est une compétence fondamentale. Communiquer à partir de cette écoute généreuse invite à l’intimité. Sans cela, nous vivons dans des boîtes que nous avons créées nous-mêmes, alors que nous plaçons les autres dans leur boîte. Nous devenons des téléviseurs, sur des chaînes différentes, qui se parlent les uns aux autres. Personne n’écoute, personne ne se sent vu/entendu et valorisé. En cas de conflit, chaque partie augmente le volume pour noyer l’autre ou quitte tout simplement la conversation. Cela se produit sur le plan politique, mais aussi dans nos relations les plus personnelles. Le sens naît lorsque nous nous occupons généreusement de nous-mêmes et du monde ; cette attention est également appelée amour.
– La gratitude mène au pardon
Plus que toute autre vertu humaine, la gratitude est facile à cultiver pour en faire un état presque constant. Lorsque, par l’attention, nous développons notre capacité à être reconnaissants pour les petits cadeaux de la vie – en fait, simplement pour la vie elle-même – nous nous sentons constamment connectés à “quelque chose de plus grand”. La connexion à ce “plus grand” invite à la fois à la compassion et au pardon.
Le pardon commence par la capacité à dire : “Je suis désolé pour la douleur que j’ai causée”. Si nous n’avons pas l’humilité de reconnaître que nous créons souvent des difficultés pour les autres, nous aurons du mal à pardonner aux autres leurs nombreuses erreurs. Nous commençons à comprendre que tout le monde est confus et blessé, ce qui adoucit notre cœur à l’égard de leurs erreurs. Vivre, c’est créer des difficultés pour soi et pour les autres. La gratitude envers la vie nous permet d’accepter ce fait.
– Le courage mène à la persévérance
Vivre n’est pas facile. Vivre avec du sens requiert le courage et l’engagement de persévérer face à la difficulté. Lorsque l’on se consacre à une voie, TOUS les événements sont perçus à la lumière de cette voie. Nous ne voyons plus la difficulté comme une simple difficulté, mais comme une opportunité d’avancer sur notre chemin. Nos défis sont perçus comme des moments d’apprentissage qui nous permettent de grandir. Sans nier l’horreur de certains moments, nous nous relevons humblement, en nous engageant dans notre vision plus large. Comme l’ont décrit de nombreux anciens, nous passons de la souffrance à la sagesse et au service.
– Le sérieux mène à l’humour
Pour paraphraser Moshe Feldenkrais, “apprendre à être humain est trop important pour le faire sérieusement”. Nous sommes tous tellement blessés par la vie, même ceux qui sont “privilégiés”, que le développement de nos qualités profondément humaines nécessite une forte dose de rire. Sans cela, il est trop douloureux d’être sur un chemin.
– Une histoire qui a du sens mène à l’amour
Dans le travail de “Embodied Life”, nous parlons souvent d’apprendre à “passer de la peur à l’amour comme principe de fonctionnement de base”. Pour vivre ce type d’ouverture, il faut une sécurité intérieure suffisante pour surmonter notre tendance à l’autoprotection, héritée de l’évolution. Sans perdre l’autoprotection intelligente et situationnelle, nous apprenons à nous défaire de l’habitude d’affronter le monde avec une armure. Lorsque notre vraiment belle histoire nous fait sortir de l’auto-absorption étriquée pour entrer en contact avec la vie, l’amour plutôt que la peur devient notre demeure.
Bien que d’autres compétences puissent être incluses dans cette liste, le fait d’être modérément développé dans celles qui sont décrites contribuera grandement à l’épanouissement d’un chemin de vie véritablement significatif, utile et satisfaisant.
Note personnelle: De nombreuses personnes dans le monde n’ont guère le choix pour gagner leur pain quotidien. De nombreux ouvriers et tailleurs de pierre se sentent pris au piège. Je comprends que certains d’entre nous aient moins de choix pour choisir un contexte significatif. Pourtant, nombre de mes héros sont ceux qui, confrontés à des circonstances horribles, parviennent à donner un sens à leur vie. Les exemples donnés par Viktor Frankl lors de son séjour à Auschwitz m’inspirent, tout comme l’autobiographie de Nelson Mandela. Plus récemment, la vie et la mort d’Alexei Navalny m’ont fait pleurer. Sa capacité à transformer des conditions inhumaines en un message d’espoir pour le monde, alors qu’il vivait sa “grande histoire”, m’élève de manière inattendue. Je dédie cet écrit à sa mémoire.